L’association Colibris Guyane partage son analyse du documentaire « Le cerveau de l’enfant »

Publié le : 11 décembre 2018

Vendredi 16 novembre, une soirée a été organisée par le groupe « Vers une autre relation adulte enfant » de l’association Colibris Guyane, la salle du cinéma Eldorado était comble et plus d’une cinquantaine de personnes ont dû rester à l’extérieur. Depuis 2 autres projections ont généré beaucoup d’affluence et une 4ème est demandée par le public. Qu’est-ce qui attire autant d’intérêt ? « Le cerveau des enfants, un potentiel infini » documentaire de Stéphanie Brillant, sorti en mai 2018.

Pourquoi le titre de ce film fait-il sens, aujourd’hui ?

A l’heure où les neurosciences sont invitées au conseil scientifique de l’Education Nationale, nous avons envie de regarder de plus près ce qu’elles nous apprennent et ce film nous y invite !

Les neurosciences sont les sciences du cerveau… mais pas que, elles ne se limitent pas à ce dernier, car le système nerveux a des capteurs dans notre corps tout entier et notre cerveau c’est nos pensées, notre mémoire, notre attention mais aussi nos émotions et nos relations intra et interpersonnelles.

L’adulte en capacité d’être empathique avec les émotions de l’enfant

Sur le plan développemental, le cerveau de l’enfant est immature, en progression constante (il termine sa croissance vers 25 ans) et est particulièrement vulnérable au stress.

Les neurosciences nous apprennent en premier lieu qu’une grande partie du cerveau de l’être humain est dévolue aux relations sociales. Il est donc essentiel que les personnes proches de l’enfant soient en empathie[1] avec ses émotions.Etre  en empathie c’est sentir les émotions de l’enfant, sa détresse, c’est « considérer qu’il est physiquement blessé » nous dit Tina Payne Bryson dans le film. Car l’enfant, encore très immature sur le plan biologique, est submergé par la peur, la colère ou la tristesse il n’a pas encore acquis la capacité à gérer ses comportements ni à s’apaiser seul.

L’adulte proche a ce rôle d’« apaisement », par le ton chaleureux de sa voix, son regard confiant et éventuellement, si l’enfant le permet, un contact physique affectueux.
C’est cet apaisement de l’enfant par l’adulte qui va permettre au cerveau de l’enfant de se développer dans de bonnes conditions et d’apprendre, peu à peu, à gérer par lui-même la peur, la déception ou le chagrin.
Aussi on peut dire que le mot « caprice », face aux réactions émotionnelles débordantes de l’enfant, est une interprétation erronée  du comportement de l’enfant.

Un des outils de la gestion des émotions de l’enfant est de mettre des mots sur ce qu’il ressent. Le film nous montre même des enfants de maternelle qui connaissent non seulement le nom des différentes émotions mais aussi les substrats cérébraux qui leurs sont associés, comme les amygdales (parties du cerveau impliquées en grande partie dans la peur).

C’est pour nous informer sur cet impact lié à la façon dont nous réagissons en tant qu’adultes que le Dr Allan Schore souligne : « notre communication émotionnelle avec nos enfants façonne bien plus leur personnalité que les mots que nous employons ».

 Pour nous adultes, être en empathie avec un enfant c’est développer le « prendre soin » ou «care giving[2]», qualité qui sera d’autant plus active et facile que l’adulte l’aura lui-même reçu dans son enfance par les adultes proches.

L’adulte en capacité d’être un adulte fiable

L’enfant, pour survivre, va devoir développer un lien d’attachement avec une ou deux personnes. La qualité de cet attachement, qu’il soit secure ou insecure, va être déterminante dans le développement de sa personnalité.

Un attachement sécure est un attachement dans lequel l’enfant se sent en sécurité. Autrement dit, qu’il a confiance envers la personne qui s’occupe de lui, qu’il sait qu’elle le protège, répond à ses besoins, et qu’elle a des réactions soutenantes et prévisibles. Cet attachement sécure est une base de sécurité qui permet à l’enfant d’explorer le monde, et d’y revenir quand il se sent en danger. Il s’agit donc d’un couple Sécurité/ Liberté qui permet à l’enfant d’accéder à l’autonomie.

Un exemple est donné à travers l’expérience des chamallows[3]. Pour un enfant, devoir attendre pour avoir davantage de chamallow semble être en grande partie lié à la confiance qu’il octroi envers l’adulte. Ici, la fiabilité relationnelle que l’adulte renvoie à l’enfant est un facteur déterminant lorsque l’on demande à l’enfant d’être patient dans sa prise de décision.

L’adulte, un modèle pour l’enfant

Les neurosciences nous apprennent aussi que l’enfant apprend en grande partie par l’observation et l’imitation de l’adulte, et que ce sont les expériences répétées qui vont, en grande partie, structurer le cerveau de l’enfant.

La répétition va ainsi permettre de consolider les apprentissages, qu’ils soient douloureux ou chaleureux, pour le pire ou le meilleur. Ainsi le cerveau de l’enfant, en plus de son immaturité, est fragile et vulnérable.

Ainsi, le Dr Daniel Siegel mentionne que « la façon dont les parents influencent le développement de leurs enfants est un sujet rarement abordé […] ce sont les expériences répétées qui sont primordiales et qui façonnent notre esprit et notre caractère. »

Croire qu’il y a toujours des solutions et que l’on peut les explorer, c’est déjà réussir

C’est ce que la professeure de Stanford, Carol Dwock, appelle un « état d’esprit de croissance ». Il s’agit d’un état d’esprit dans lequel l’erreur est considérée comme faisant partie intégrante de l’apprentissage, c’est-à-dire lorsque la difficulté est productive et est donc considérée comme positive.

En France, majoritairement, nous aurions donc un état d’esprit fixe, avec nos jugements et nos étiquettes ?

Ainsi ce que l’on appelle l’« intelligence » est en constante évolution et est aussi dépendante des conditions extérieures, du regard extérieur. Nos croyances nous apparaissent donc soit limitantes « cet enfant est intelligent » « cet enfant a peu de potentiel », soit a-limitantes : « les enfants ont tous des capacités, et dans de nombreux domaines ; la confiance en ces capacités est un moteur primordial de la réussite ». 

Alain Ehrenberg, sociologue au CNRS, lors d’une émission radio en 2018, mentionne que : « la place des neurosciences c’est d’accélérer les résultats des pédagogies alternatives, aujourd’hui elles démontrent qu’il faut aller vers des pédagogies horizontales, où les élèves sont beaucoup plus impliqués, participent, où les questions émotionnelles sont tout à fait centrales dans l’éducation » 

Ce chercheur amène un autre élément prépondérant dans le film : les émotions peuvent agirent de façon négative sur l’attention, ainsi un enfant qui n’est pas en confiance avec l’adulte ou un enfant que l’on juge négativement sur ses résultats, ou un enfant qui est étiqueté, par exemple, ne peut être dans de bonnes conditions d’apprentissage.

 L’éducation à la conscience émotionnelle et sociale s’appuie sur la neuro-pédagogie qui démontre l’indispensable besoin de croitre dans un climat sécure et bienveillant pour développer les apprentissages, de quelque nature qu’ils soient.

 Le film aborde alors une dernière partie :

Le corps et l’esprit sont indissociables

L’enfant a besoin de bouger, de nombreuses études montrent que l’activité physique facilite l’apprentissage. La réalisatrice parle « des récrés du cerveau » !

L’enfant a aussi besoin de toucher, de construire pour apprendre, voire de vivre dans son corps les notions abstraites que son cerveau appréhende. Lors d’une expérience dans une école de Los Angeles, des enfants se déguisent et miment le comportement des abeilles pour comprendre la pollinisation, et en prime, ce n’était pas au programme, certains enfants ressentent alors de l’empathie pour les abeilles.

Enfin, l’enfant comme l’adulte, a besoin de réguler ses émotions et d’être conscient de lui-même, le film nous indique que la méditation est un outil puissant pour y parvenir. Cette méditation simple, que l’on appelle aussi méditation de pleine conscience, ou intérospection, mindfullness[4], est centrée sur la respiration et les perceptions du corps. Elle peut facilement être pratiquée en classe.

Un enfant raconte « c’est comme une boule à paillettes, quand tu secoues c’est comme si tes émotions s’agitaient, quand les paillettes retombent, t’es à nouveau calme ».

L’enfant est un être conscient et complet

Le film nous plonge dans un monde enthousiasmant où les portes s’ouvrent, le regard que portent les adultes sur l’enfant est lui aussi ouvert, il lui fait confiance, il a confiance en ses capacités et ainsi l’enfant a confiance en lui-même et peut déployer ses ailes. L’adulte est devenu un partenaire, un facilitateur.

L’enfant est un être complet, si l’on y voit des manques ils sont dans notre regard d’adulte. Le film nous propose ce changement de regard, avec précision et bonheur.

C’est sans doute la raison de son succès !

Pour aller plus loin :

Cet article ne peut être exhaustif de tout ce que le film nous a apporté, un dvd est disponible sur le site du distributeur :   https://www.jupiter-films.com

Article du Dr Catherine Guegen, Pédiatre,  sur l’empathie dans l’apprentissage :https://www.scienceshumaines.com/l-empathie-modifie-le-cerveau-des-enfants-entretien-avec-catherine-gueguen_fr_39317.html

Lien extrait 3 mn, intervention Dr Gueguen après le film : https://www.youtube.com/watch?v=3kcn8J7Mlio

Lien conférence Dr Gueguen, passionnante : https://www.youtube.com/watch?v=9lPcXx_yhpE&t=1060s

Le Dr Gueguen relaie en France les recherches des neurosciences affectives et sociales.

Des projections à Mana et St Georges 

Le film est programmé le 18 janvier à Mana au pôle enfance jeunesse, et prévu aussi à St Georges courant janvier.

Si vous souhaitez le projeter vous pouvez contacter l’association Colibris Guyane au 0694 29 62 39

Notes complémentaires

[1] L’empathie, fait référence à la projection d’une personne dans la situation de l’autre. Depuis, les travaux effectués dans les domaines de la philosophie, la psychologie et des neurosciences ont fait évoluer cette définition.

Le neurobiologiste Jean Decety distingue trois sortes d’empathie :

  • l’empathie affective qui est sentir, partager les émotions et les sentiments d’autrui, sans être en confusion entre soi et l’autre
  • l’empathie cognitive qui est comprendre les émotions et les pensées d’autrui
  • la sollicitude empathique qui nous incite à prendre soin du bien-être d’autrui, et donc à agir

[2] Le caregiving représente la capacité à donner des soins, à s’occuper d’un plus jeune que soi que ce soit au niveau physique ou affectif. Issus de la théorie de l’attachement de John Bowlby (Source : La Théorie de l’Attachement : Une approche conceptuelle au service de la Protection de l’Enfance, Nathalie Savard, 2010)

[3] Kidd C., Palmeri H. & Aslin R. (2013), Rational snacking: Young children’s decision-making on the marshmallow task is moderated by beliefs about environmental reliability. Cognition, 126, 109–114.

[4] La pleine conscience – mindfulness – signifie diriger son attention d’une certaine manière, c’est-à-dire: délibérément, au moment voulu, sans jugement de valeur (Jon Kabat-Zinn).  Voir le livre « Calme et attentif comme une grenouille » d’Eline Snel avec une préface de Christophe André, Ed. Les arènes.

Article écrit par Catherine Malherbe et Anthony Deleplace – Goutte/action «Vers une autre relation adulte enfant» de l’association Colibris Guyane

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