Nous débutons une série de publications sur l’alimentation en Guyane par la présentation des travaux de recherche menés par John Adams du Parc amazonien de Guyane (PAG) lors de son stage de fin d’étude intitulé : « Souveraineté et sécurité alimentaires des familles du Haut Maroni ».
Mieux comprendre le système alimentaire
La population amérindienne du Haut Maroni vit une transition, voire une transformation de son mode de vie et notamment de son système alimentaire, c’est-à-dire sa façon de produire et de consommer la nourriture. Dans le but de mieux accompagner les ménages face aux changements pour leur permettre de maintenir leur sécurité et souveraineté alimentaires, le Parc amazonien de Guyane (Parc national) a mené une étude dans les villages de Taluen et Antecume Pata pour mieux comprendre comment fonctionne le système alimentaire local et quelles sont les conséquences pour les habitants.
La réflexion sur les cadres d’analyse et les entretiens
La recherche a commencé par une revue de littérature scientifique concernant l’agriculture et l’alimentation sur le Haut Maroni et une réflexion sur le cadre d’analyse à utiliser pour formuler les questions de recherche et pour analyser les résultats. Deux cadres d’analyse ont été retenus : celui des systèmes alimentaires et celui des systèmes d’activité des ménages : comment les ménages s’organisent pour subvenir à leurs besoins matériels et sociaux, avec quelles ressources, et dans quels buts ?
Ensuite, au cours de dix semaines dans les villages, 30 entretiens à domicile et multiples observations, échanges informels et entretiens avec les informateurs clés, ont permis de produire des données correspondant aux différentes questions de recherche. Un jeu de cartes des différents produits alimentaires consommés dans les villages a permis aux personnes rencontrées lors des entretiens d’estimer la fréquence de consommation de ces différents aliments.
Les conséquences de la transition alimentaire
Les résultats montrent à quel point le système alimentaire des villages du Haut Maroni est aujourd’hui intégré dans le système alimentaire mondialisé, et comment les ménages ont adapté leur système d’activité, surtout depuis les vingt dernières années avec l’accès aux prestations sociales et l’installation d’épiceries au Suriname à proximité des villages et en face de Maripasoula.
Le régime alimentaire des ménages est aujourd’hui composé d’une part de produits de l’agriculture (l’abattis), de la pêche et de la chasse, et d’autre part de produits achetés, d’origine surinamaise ou issus de l’agro-industrie mondialisée. Les conséquences de cette transition alimentaire sont nombreuses. Sur le côté positif, les aliments achetés permettent de varier les repas, de compléter les produits locaux en cas de pénurie et de pouvoir manger « comme les gens de la ville ». Mais le bilan côté négatif est lourd : augmentation de la consommation de produits sucrés, salés et gras et diminution de l’activité physique, avec des conséquences graves sur la santé (surpoids, diabètes, hypertension artérielle…) ; perte de savoirs et savoir-faire sur la production alimentaire ; perte de lien avec l’environnement et entre les générations ; perte de souveraineté alimentaire.
Restitution à Taluen et Antecume Pata
Les résultats de l’étude ont été présenté à Taluen et Antecume Pata à l’aide de panneaux reprenant les mots de certaines personnes lors des entretiens, et d’images pour illustrer les différents aspects du système alimentaire. Les débats lors des restitutions ont permis de valider et compléter les résultats.
Renforcer l’approvisionnement, améliorer et influencer les choix
Pour agir sur le système alimentaire afin de valoriser et préserver les activités de production alimentaire traditionnelles dans les villages, et améliorer la qualité des aliments issus du commerce qui rentrent dans le régime alimentaire, trois grands axes d’intervention se présentent :
- renforcer les chaînes d’approvisionnement alimentaire, y compris la production locale, pour assurer la disponibilité de produits de qualité accessibles économiquement sur le marché local ;
- améliorer l’environnement alimentaire, c’est-à-dire la qualité des milieux dans lesquels les personnes font des choix d’achat ou de consommation : le choix des différents produits, les prix, leur présentation, l’étiquetage etc.
- influencer les choix alimentaires en agissant sur les différents déterminants de comportement : accès à l’information, niveau d’éducation alimentaire, normes sociales, motivations émotionnelles etc.
Intervenir ainsi sur le système alimentaire du Haut Maroni nécessitera une approche multi-sectorielle et coordonnée, impliquant des actions à différents niveaux – individuel, familial, communautaire, communal et régional.
Pour en savoir plus, consulter l’étude « Souveraineté et sécurité alimentaires des familles du Haut Maroni ».
Parc amazonien de Guyane
Le Parc amazonien de Guyane est l’un des onze parcs nationaux de France. Créé en 2007, il s’étend sur 34 000 km², intégrant les communes de Camopi, Saül, Maripa-Soula, Papaïchton et Saint-Elie. Il a pour vocation de préserver un massif forestier abritant une biodiversité exceptionnelle. Il préserve et valorise la richesse des patrimoines culturels des populations amérindiennes, bushinengue, créoles… qui vivent sur le territoire.
Article rédigé par John Adams (PAG), Photos ©PAG