Après « L’Odyssée de l’Empathie » et « Schooling the World » en 2017, « Le Cerveau des Enfants un Potentiel Infini » en 2018, le groupe Colibris Guyane « Vers une autre relation adulte-enfant » a organisé le vendredi 29 mars une projection-débat autour du documentaire « Même qu’on naît imbattables ! » de Marion Cuerq et Elsa Moley.
En 1979, il y a 40 ans exactement, le gouvernement suédois votait, malgré l’opposition de 70% de la population, une loi contre les châtiments corporels et les humiliations. Pionnier de la lutte contre la violence à visée éducative, la Suède avait pressenti ce que les neurosciences confirment aujourd’hui : élever les enfants dans l’empathie et la bienveillance ferait d’eux des êtres responsables et surtout, respectueux des autres.
Et si tout commençait … par l’enfance ? « Même qu’on naît imbattables ! » nous emmène à la rencontre de cette première génération suédoise débarrassée des violences éducatives ordinaires, et invite, à travers une nouvelle conception de l’enfant, à un changement de modèle. Il nous plonge dans un monde où la notion de responsabilité des adultes prend tout son sens. Le terme « autorité parentale » y est remplacé par celui de « responsabilité parentale ». « En tant que parent, tu ne peux pas être un policier, tu peux seulement être un modèle », affirme dans le film Magnus, un jeune papa. « C’est en leur montrant l’exemple qu’ils deviendront à leur tour des adultes empathiques et bienveillants… et que la violence diminuera ».
Loin du procès, le film véhicule au contraire un message d’encouragement et d’espoir en donnant à voir une société qui a su changer progressivement et mettre en œuvre de nouvelles pratiques dans toutes les sphères de la société. Campagnes de prévention, programmes télévisés jeune public dédiés à la compréhension des émotions, numéro d’appel spécial réservé aux enfants qui veulent parler, actions de soutien à la parentalité et formation des professionnels, accompagnent encore aujourd’hui la promulgation de la loi.
Quarante ans plus tard, la question ne fait guère plus débat en Suède, plus de 93 % de la population approuve la mesure. Il faut dire que les effets positifs de cette loi sont aujourd’hui très palpables. Le taux de maltraitance a progressivement diminué jusqu’à devenir quasi-nul. 86 % des Suédois nés dans les années 1980 n’ont jamais été frappés et la quasi-totalité des parents n’envisagent plus les châtiments corporels comme une méthode d’éducation.
Les prochaines projections auront lieu au cinéma Eldorado à Cayenne le samedi 13 avril à 17h et à Mana au Pôle Enfance et Jeunesse le vendredi 10 mai à 18h. Plus d’information sur le site du film et la bande annonce. Contact : 0694 29 62 39 – Groupe facebook « Parentalité et Empathie en Guyane »
Un impact majeur sur la santé, le développement et l’avenir des enfants
Soutenu par les neurosciences, un nombre croissant d’études publiées par des chercheurs (neuroscientifiques, médecins, biologistes, sociologues…) analysent et quantifient les conséquences à tous les âges des violences physiques et psychologiques, même considérées comme « légères », subies dans l’enfance. Leurs résultats montrent comment toutes les violences infligées aux enfants ont des conséquences désastreuses tant au niveau physique que psychologique, non seulement pour eux, mais également pour leur descendance. Études scientifiques sur les effets de la violence éducative ordinaire.
En 2014, Muriel Salmona, psychiatre-psychotraumatologue, rappelait que « les punitions corporelles et les autres violences éducatives, même considérées comme mineures, portent non seulement atteinte aux droits des enfants, à leur développement mais elles portent également atteinte à leur santé mentale et physique à court, moyen et long terme, qu’elles sont un facteur d’inégalité et de discrimination à l’encontre des enfants, et de reproduction des violences de proche en proche et de génération en génération. » cf : « Pourquoi interdire les punitions corporelles et les autres violences éducatives au sein de la famille est une priorité humaine et de santé publique ? »
« La plupart des adultes, parents ou professionnels, ont été élevés avec des punitions, des menaces et des récompenses. Ils aiment les enfants et pensent en toute bonne foi que c’est la bonne éducation et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour que l’enfant devienne quelqu’un de bien », constate de son côté Catherine Guegen, pédiatre, conférencière, écrivaine. « C’est pourtant l’effet inverse qui se produit. L’enfant apprend dans ce contexte violent que les rapports humains sont des rapports de force, d’humiliation, de domination, et agira de même. L’enfant perd confiance en lui, il se vit comme mauvais, méchant, pas bien. Il nourrira un ressentiment contre l’adulte. »
Conférence de Catherine Gueguen from DANE Reims
En France…
La Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies en 1989 et ratifiée par la France en 1990, impose aux 195 États qui l’ont adoptée, des obligations et des devoirs liés au respect, à la protection et à la mise en œuvre des droits de l’enfant. Parmi eux le droit des enfants à la protection contre les châtiments corporels.
Selon l’ONG britannique Global Initiative to End All Corporal Punishment of Children, 54 pays à travers le monde, dont 31 des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, ont une législation interdisant en toutes circonstances d’infliger des châtiments corporels aux enfants, .
En février 2016, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a rappelé pour la 4ème fois à la France son devoir de respecter la convention signée en 1990 et d’interdire de façon claire et explicite les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments.
En effet, la France fait partie des pays les plus rétifs à une modification de sa législation sur les violences éducatives. Pour l’instant, le droit français autorise un « droit de correction » des enfants au sein des familles, les punitions corporelles étant interdites à l’école et dans l’armée.
Le 29 novembre 2019, une proposition de loi faite par la députée Maud Petit a été adoptée par l’Assemblée Nationale et transmise au Sénat. Une loi similaire, portée par Laurence Rossignol, sénatrice, a été votée au Sénat, le 11 mars 2019. Elles suivent leurs cours législatifs.
Selon l’Observatoire de la Violence Educative Ordinaire (OVEO), si l’abolition explicite des châtiments corporels par la loi est un préalable indispensable, elle reste insuffisante si elle n’est pas suivie de mesures d’accompagnement. Une étude portant sur 5 pays européens (Suède, Autriche, Allemagne, Espagne et France) – établie à partir de 5 000 entretiens avec des parents – a comparé les répercussions d’une interdiction ou de l’absence d’interdiction des châtiments corporels, assortie ou non de mesures d’accompagnement. Elle indique que les meilleurs résultats pour faire baisser la violence sont obtenus lorsque les pays ont légiféré et mené des campagnes de sensibilisation en parallèle.
L’OVEO souligne de plus la nécessité de faire preuve d’une grande vigilance à l’égard des formations à la parentalité proposées, du fait des dérives possibles : il ne s’agit pas de “normer” l’éducation, ni de remplacer les violences par des formes de manipulation “douce”, mais de permettre un dialogue où chacun se sent respecté dans son intégrité, ses choix, ses valeurs.
Aller plus loin
Rapport annuel 2017 des Droits de l’enfant – Défenseur des droits – novembre 2017
Les enjeux d’une loi interdisant la violence éducative ordinaire – Association OVE – novembre 2018